Mathilde d'Artois, dite Mahaut d'Artois, est née vers 1270 et morte en 1329. Elle était princesse de la maison capétienne d'Artois, comtesse d'Artois et paire de France. Elle était la fille du comte capétien Robert II d'Artois et d'Amicie de Courtenay.
En 1285, elle se marie avec le comte Othon IV de Bourgogne de la Maison d'Ivrée dont elle a deux filles et trois fils, dont Robert mort en bas âge et Jean, mort au berceau.
A la mort de son père en 1302, elle devient comtesse d'Artois en occultant son neveu Robert III d'Artois, fils de son frère aîné Philippe d'Artois mort à la guerre et à qui le comté ne revient pas car les droits de son père ne sont pas représentés par Robert III : la loi du comté d'Artois écarte en effet les petits-enfants du dernier comte au profit de ses frères et soeurs.
En 1303, son mari Othon IV de Bourgogne meurt des blessures reçues à la bataille de Courtrai en Belgique contre les Flamands. Elle devient donc veuve à l'âge de 33 ans et son fils aîné Robert de Bourgogne succède à son père à l'âge de 3 ans.
Elle marie ses deux filles aux héritiers du trône du roi Philippe IV de France, dit Philippe le Bel :
En 1307, sa fille Jeanne II de Bourgogne épouse le roi Philippe V de France, dit Philippe le Long ( 2° fils de Philippe le Bel).
En 1308, sa fille Blanche de Bourgogne épouse le roi Charles IV de France (3° fils de Philippe le Bel).
Statue de Mahaut au premier étage de l'Hôtel de ville d'Arras
En 1309, Robert III d'Artois, son neveu, lui fait un procès devant la Cour des Pairs et le roi de France pour récupérer le comté d'Artois, son héritage, et le perd.
En 1314, Blanche de Bourgogne est condamnée pour adultère sans avoir donné d'héritier mâle à Charles IV de France.
En 1315, le fils aîné de Mahaut, Robert de Bourgogne, meurt à l'âge de 15 ans et sa fille Jeanne II de Bourgogne hérite du comté de Bourgogne.
En 1316, Robert III d'Artois organise une insurrection du comté d'Artois contre Mahaut, qui y fait face.
En 1317, à la mort de Louis X de France (fils aîné de Philippe le Bel) et de son seul héritier âgé de 4 jours, Jean le Posthume, Philippe V de France et la comtesse Jeanne II de Bourgogne sont sacrés roi et reine de France à Reims.
En 1318, Robert III d'Artois fait un second procès à Mahaut devant la Cour des Pairs et le roi de France , avec toujours le même but : récupérer le comté d'Artois, qu'il continue à considérer comme son héritage légal. La mise en évidence de faux fait perdre son procès à Robert, Jeanne de Divion, sa complice, est condamnée au bûcher et Robert est dépossédé de tous ses biens et banni en 1332.
En 1322, Philippe V meurt à Longchamp, près de Paris, de dysenterie et de fièvre, sans héritier mâle. Son frère Charles IV de France lui succède le 21 février. Mais le 1° février 1328, celui-ci meurt sans héritier mâle à Vincennes, ce qui marque la fin de la dynastie des Capétiens directs et pose un problème de succession à la couronne de France, résolu par la loi salique.
Le roi Edouard III d'Angleterre, fils d'Edouard II et d'Isabelle de France (la dernière fille vivante de Philippe le Bel), encouragé par Robert III d'Artois et appuyé par les ducs de Bourgogne, revendique le trône de France, ce qui déclenche la guerre de Cent Ans entre la France et l'Angleterre.
En 1329, Mahaut meurt à l'âge de 59 ans. Sa fille, la comtesse Jeanne II de Bourgogne, lui succède au titre de comtesse d'Artois.
Effigies de Mahaut d'Artois et de son époux : portail de la Thieuloye
Mémoriaux d'Antoine de Succa, P33, 1601, Bibliothèque Royale Albert 1er, Bruxelles.
Les sentiments qu'elle inspira à ses sujets sont très partagés...
En 1300, alors qu'elle n'était encore qu'héritière du comté d'Artois, elle assigna sur des terres des environs d'Hesdin 50 livres de rente pour l'acquisition annuelle de bas et de souliers aux pauvres du baillaige d'Hesdin, à condition que l'abbé d'Auchy-les-Moines et les principaux du couvent prendraient le soin de faire labourer et cultiver ces terres, sur les revenus desquelles devaient être pris le secours aux malheureux. Elle faisait ainsi d'une pierre deux coups : un acte de charité et une incitation à cultiver des terres négligées jusque là.
En 1320, elle abandonna le revenu de 50 mesures de terre aux pauvres d'Hesdin pour leur acheter des habits et en 1321, elle leur donna 50 livres d'aumône. Elle fonda également un hôpital, désigné sous le nom d'hôpital de Madame d'Artois. Elle légua des rentes et fonda des chapelles, pour prières en faveur de son mari défunt aussi bien que pour elle-même après sa mort.
Mais par ailleurs, à peine Mahaut était-elle confirmée dans ses possessions par le jugement de Philippe le Bel qu'elle prit une hauteur et une fierté insupportables, qui déplurent à ses sujets, ce qui, joint à ses exigences et aux taxes dont elle les frappait, acheva de les monter contre elle. La noblesse elle-même se révolta.
Elle avait un esprit envahissant et tracassier, et voulait aussi embellir son domaine : elle acquit, par exemple, en 1325-26, plusieurs immeubles, tant pour améliorer ses propriétés que pour se rendre maîtresse des abords du château.
Dans les dernières années de sa vie tourmentée, craignant toujours les menées de son neveu Robert qui s'agitait encore, elle s'efforça de rendre bienveillantes les populations qu'elle administrait. Connaissant la puissance du clergé, patron des pauvres, elle essaya aussi de s'en concilier les bonnes grâces; de là ses legs pieux et son offrande aux chapelains d'Hesdin des reliques de Saint Louis (1328).
Mahaut fut malgré cela peu aimée des populations qu'elle gouvernait. Elle était hautaine, âpre et arrogante. Les traverses de la vie et les violences de son neveu l'avaient rendue irritable et dure. Mais elle marque dans l'histoire d'Hesdin, particulièrement par la fondation d'un hôpital, par de grandes libéralités aux pauvres, par des largesses au clergé, par des legs pieux, enfin par quelques agrandissements et embellissements du château qu'elle habita souvent.
L'autoritarisme et l'impopularité de Mahaut expliquent les accusations portées contre elle, et notamment à l'occasion de la mort du petit roi Jean I°, qu'elle fut soupçonnée d'avoir empoisonné. Ce sont justement ces accusations, vraies ou fausses, que l'écrivain Maurice Druon reprend dans son oeuvre « Les Rois Maudits ». Le tableau qui en ressort est pourtant loin de la réalité historique : Mahaut d'Artois était une excellente gestionnaire, n'intervenant qu'à bon escient dans la vie communale. Si elle a défendu ses droits avec âpreté, elle n'a pas cherché à envenimer les querelles. Elle s'est montrée généreuse dans ses dons aux pauvres, aux monastères et aux hôpitaux. Elle manifesta également sa volonté de protéger les arts et d'encourager l'enluminure des nombreux manuscrits qu'elle fit copier.
Dans la série de romans de Maurice Druon, portée à l'écran en 1972 et en 2006, Mahaut d'Artois est décrite comme une perverse conspiratrice et calculatrice, prête à tout pour conserver l'Artois. Elle spolie son neveu Robert du comté, puis tente de faire de ses 2 filles des reines de France en les mariant avec les héritiers du roi Philippe le Bel et en jouant de poisons et de diverses intrigues, pour aider les maris de ses filles à accéder au trône. Robert, pour se venger de sa tante, intrigue dans le sens contraire.
Le conflit entre Mahaut et Robert pour le pouvoir contribue à la fin de la dynastie capétienne directe, ce qui provoque la revendication du trône de France par le roi d'Angleterre Edouard III, et mène à la guerre de Cent Ans.
Armoiries de Mahaut d'Artois