Philippe, comte de Charolais, fils du duc de Bourgogne Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière, est né à Dijon le 30 février 1396. Il avait 21 ans quand il apprit la mort tragique de son père (cf. personnage d'octobre). C'était une succession très lourde. D'un caractère résolu, d'un coeur ardent, d'une âme fière dans sa force et dans sa sensibilité, il prit aussitôt le gouvernement de ses vastes états. Il gardait un profond ressentiment contre le Dauphin. Il aida donc Henri V, le roi d'Angleterre, dans sa lutte contre les Français (nous sommes toujours en pleine guerre de Cent Ans). Il vint à Hesdin en 1421, y séjourna quelque temps «ordonnant garnisons en plusieurs lieux contre les dauphinois de Saint-Riquier et achetant les prisonniers de ses gens pour estre gardés en son château de l'Isle en Flandre».
Il assiégea Montereau avec l'aide d'HenriV, exhuma le cadavre de son père, Jean sans Peur, assassiné lors d'une entrevue sur le pont de Montereau, et le fit enterrer dans la chartreuse de Champmol, auprès de son grand-père, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi.
En 1422, les Français reparurent dans le bailliage d'Hesdin et désolèrent les environs d'Auxi le Château. Entre temps, Henri V d'Angleterre mourut à 34 ans, au moment où il pouvait croire qu'il mettrait définitivement une double couronne royale sur sa tête. La pompe funèbre du héros d'Azincourt prit la route d'Hesdin, et la ville eut le spectacle extraordinaire de voir passer le funèbre cortège.
Bedfort, le régent de France, après avoir essayé de faire assassiner Philippe, se rendit compte qu'il avait tout intérêt à s'en faire un allié. Dans ce but, il alla avec sa femme, soeur du duc de Bourgogne, en grand appareil, rendre visite à ce dernier. Philippe alla à leur rencontre jusqu'à Doullens, puis les conduisit à son château d'Hesdin «auquel lieu ils furent de par ledit duc reçus et festoyés moult notablement et là démourèrent par l'espace de six jours faisant grand'joie et grand'liesse les uns avecques les autres, en boire, en mangiers, chasseries, danses et aultres esbattements de plusieurs et diverses manières».
Philippe le Bon
Statue de Philippe le Bon
au palais des ducs de Bourgogne de Dijon
Philippe le Bon était passionné d'armes et de tournois, et avait une hygiène de vie de sportif. «Il manda à lui les maîtres d'escrime les plus fameux. Il avait fait établir une forge dans son château d'Hesdin. Là, sous ses yeux et d'après ses idées on fabriquait toutes sortes d'armes et de harnais de guerre, magnifiques, commodes et de résistance, et avec ce s'exercita en toute diligence de sa personne, tant en abstinence de bouche comme en prenant peine pour lui mettre en haleine.»
A la mort de sa soeur Jacqueline de Hainaut, les troupes de Philippe le Bon prirent possession des états formant son héritage, qui se composait de la Hollande, de la Zélande, de la Frise et du Hainaut, avec le titre de «duc par la grâce de Dieu». Ces possessions réunies avec les autres possessions bourguignonnes du Nord (Flandre, Namur, Luxembourg), formèrent alors les Pays Bas bourguignons. Il souscrivit alors des lettres par lesquelles «il autorisait les échevins d'Hesdin à s'imposer extraordinairement pour couvrir les frais du voyage qu'il allait faire dans ses nouvelles possessions». Une autorisation gracieuse qui cachait un ordre impérieux !
En 1429, il reçut à Hesdin une ambassade solennelle de Bedfort, lui demandant aide et conseil. Il alla donc à Paris et revint très vite à Hesdin dans le château duquel il donnait à sa soeur, la duchesse de Bedfort, une hospitalité splendide.
Il avait épousé en 1411 une fille du roi Charles VI de France, âgée de 14 ans. Il en eut une fille, Agnès de Bourgogne. En 1424, il épousa en 2° noces la comtesse Bonne d'Artois, qui mourut l'année suivante. Il épousa en 3° noces la fille du roi de Portugal, la princesse Isabelle. Il en eut 3 enfants : Antoine et Josse, morts à l'âge de quelques mois, et Charles le Téméraire qui lui succèdera.Il institua à l'occasion de ces dernières noces l'ordre la Toison d'Or, à Lille, le 27 novembre 1431.
Ce prince était d'une incomparable magnificence; sa cour passait pour être la plus riche et la plus élégante de toute l'Europe. Ses noces, ses réceptions, le développement de sa flotte, ses voyages, l'institution de l'ordre de la Toison d'Or, lui ont coûté des sommes fabuleuses. Il avait installé dans son château d'Hesdin de merveilleuses fantaisies, machineries, automates, engins... Une confrérie de Saint Sébastien existait à Hesdin. Le duc Philippe la protégeait et l'encourageait de ses largesses. Il y trouvait une bonne pépinière d'archers pour ses troupes.
Le 20 septembre 1435 fut signée la paix d'Arras, qui mit fin à la guerre de Cent Ans. Charles VII de France fit amende honorable pour le meurtre de Jean sans Peur et confirma les territoires conquis avec l'aide des Anglais. Ceux-ci, furieux, menacèrent Philippe le Bon. En retour, celui-ci tenta de reprendre Calais, mais le siège tourna au désastre pour ses troupes.
En 1435, on commença la construction du couvent des Clarisses d'Hesdin, dont Philippe le Bon et sa femme Isabelle de Portugal sont considérés comme les principaux fondateurs. En 1437, Colette de Corbie, qui fut canonisée plus tard, vint prendre possession du couvent.
En 1439, la paix de Gravelines entre Philippe le Bon et Henri VI d'Angleterre permit la reprise du commerce entre l'Angleterre et la Flandre.
La duchesse de Bourgogne se trouvait à son château d'Hesdin le 18 juin 1441. Issue d'un sang royal, mariée à un prince magnifique, elle contribua à la rançon des seigneurs français, retenus prisonniers en Angleterre depuis la bataille d'Azincourt. Ce fut alors que le duc Charles d'Orléans, surnommé « le Prince Poète », rendu à la liberté, vint trouver à Hesdin le duc de Bourgogne. Ces deux grands seigneurs passèrent ensemble 8 jours au château et y célébrèrent la fête de la Toussaint. Les maisons de Bourgogne et d'Orléans se réconcilièrent ainsi.
En 1447, la situation financière de la ville d'Hesdin était catastrophique et la banqueroute imminente. Philippe le Bon, touché de l'anxiété publique, fit publier une charte destinée à tout réorganiser de façon plus saine, et à éviter les dilapidations de ses magistrats et receveurs municipaux. Il réorganisa d'office l'échevinage, nomma directement un maire et 12 échevins pour 10 ans consécutifs. Les fonctionnaires municipaux, aux ordres de l'échevinage, étaient choisis par lui : un argentier, 2 capitaines, 2 maîtres des oeuvres chargés de la direction des travaux communaux, un économe de Saint-Ladre et un pour l'hôpital Saint Jean. Le jour de la Saint Jean, sur la place de la garenne, devant le peuple réuni au son de la cloche municipale, l'argentier devait soumettre l'état en gros de ses recettes et de ses dépenses : ainsi, tous pouvaient contrôler. Il y avait un impôt sur les boissons, et comme on buvait beaucoup de vin à Hesdin, le duc trouvait là un centre d'écoulement important pour le produit de ses vendanges de Bourgogne; la commune et lui y trouvaient leur profit. Il y avait aussi un bureau de bienfaisance pour les pauvres.
Le 14 août 1461, Philippe le Bon assista au sacre de Louis XI dans la cathédrale de Reims, il accompagna le nouveau roi jusqu'à Paris et retourna à Hesdin, où le comte de Charolais, son fils, vint le retrouver.
Le haut et puissant duc de Bourgogne résidait surtout l'été dans son château d'Hesdin, où il avait réuni tant de moyens capables de l'amuser, de le distraire et d'émerveiller ses hôtes. Il s'y livrait aux plaisirs de la chasse et aux agréments variés de son parc immense.
Le 27 septembre 1463, il reçut le roi Louis XI, qui resta près d'un mois à Hesdin. Son séjour lui servit à tenter avec Philippe 2 négociations qui ne réussirent pas. Il sollicita d'abord la cession des villes de Douai, Lille et Orchies; ensuite l'échange d'Hesdin, où Louis XI disait se plaire beaucoup, contre les villes de Tournai et de Mortagne; car Hesdin était une place importante par sa position stratégique. Il réussit en revanche à dissuader Philippe le Bon d'entreprendre la croisade pour laquelle,10 ans auparavant, lors du banquet du Faisan, il s'était solennellement engagé.
1464 fut une année mémorable dans les annales d'Hesdin par la qualité et le nombre des personnages qui se rendirent au château et par les fêtes splendides que donna le duc à ses illustres hôtes : l'amiral de France Jean de Montauban, la reine avec ses 2 soeurs les princesses de Savoie et toute une suite brillante de belles et nobles dames, le roi de Chypre et le duc de Savoie.
Le vieux duc, fatigué, prit sa retraite à Hesdin, et abandonna l'administration, le gouvernement et le souci des affaires à son fils, le comte de Charolais.
Le 15 juin 1467, à Bruges, le duc Philippe le Bon mourut d'une attaque d'apoplexie, regretté de ses sujets et laissant à son héritier, connu sous le nom de Charles le Téméraire, des domaines immenses et de vastes états. Il eut des funérailles dignes de la magnificence qu'avait étalée toute sa vie le plus puissant et le plus riche des seigneurs de son temps. On trouva dans ses différents châteaux une quantité prodigieuse de diamants et de pierreries, ainsi que des oeuvres d'art de toutes sortes, des tableaux des peintres les plus célèbres, des statues des plus habiles sculpteurs. Tous les princes de la chrétienté avaient offert à Philippe de riches cadeaux qu'on retrouva dans ses palais. De plus, il laissait 100000 écus d'or, 1000 marcs d'argent et pour 2 millions d'effets. On lui connut jusqu'à 30 bâtards.
Philippe le Bon est une grande figure historique. Il a réalisé, dans son splendide château d'Hesdin, l'apogée de la puissance féodale. Ce château, sa résidence favorite, était pour lui ce que fut au XVII° siècle Versailles pour Louis XIV. Son règne de 48 ans fixa sur Hesdin les regards du monde entier, lui donna une importance inattendue, et inscrivit son nom d'une manière ineffaçable dans les annales de la France, de la Flandre et de l'Artois.
Armoiries de Philippe le Bon